L’émouvante lettre de Simoncelli depuis le Qatar

Paolo Simoncelli a sa manière à lui de communiquer. Quand il nous parle de ses pilotes et des Grands Prix, il ne se contente pas de brefs communiqués de presse formels : il raconte son vécu de l’intérieur, y met du sien, partage ses émotions. La carte envoyée après le Grand Prix du Qatar en est l’illustre témoignage.

Le patron de l’équipe SIC58 Squadra Corse aborde cette première épreuve de la saison sous l’angle de la vie du paddock rythmée par le Covid-19 là-bas, au Qatar, et du « devoir » qu’il se fait de transmettre des émotions aux fans contraints à rester chez eux. Il revient sur les performances de Tatsuki Suzuki (8e) et Lorenzo Fellon (19e), à l’issue d’un week-end mouvementé : l’un se remettait à peine d’une infection au Covid-19, l’autre faisait ses grands débuts en championnat du monde. Il conclut, enfin, sur un hommage à Fausto Gresini, disparu cet hiver et qui fut, entre autres, le team-manager de Marco Simoncelli, et l’un des premiers partenaires du team SIC58 Squadra Corse.

Alors oui, cette lettre date d’il y a quelques jours – elle nous avait échappé –, mais nous ne résistons pas à l’envie de vous la traduire et partager. La parole à Paolo Simoncelli :

« Il y a un an, à ce moment-là, les gens chantaient sur leur balcon, nous écrivions « Tout va bien se passer » et nous pensions que cela ne durerait pas aussi longtemps. Et maintenant, après une année qui a paru très longue, nous oscillons toujours entre zones rouge et orange foncée. Et nous, ceux qui sommes autorisés à voyager, qui avons la chance de continuer à vivre notre passion, nous avons le devoir moral d’envoyer ces émotions chez vous, de vous faire vivre des dimanche fous et émouvants. Pour vous redonner juste un peu de normalité, nous allons faire notre mieux pour que le commentateur dise ‘une standing ovation pour ce podium incroyable’. »

« Nous sommes partis au Qatar sans notre pilote le plus expérimenté, mais avec un grand espoir pour le test PCR de Tatsuki le lundi, qui était notre dernière chance de la’voir sur la grille pour la première course. Heureusement, tout s’est parfaitement déroulé, Tatsuki est devenu négatif et le mercredi il s’envolait pour Doha. Le dimanche, la grille de départ était à l’opposé exact de 2020, quand Tatsuki était parti depuis la pole. »

« Il est arrivé au Qatar pas en forme, fatigué, épuisé et sans le test (de pré-saison). Il était presque asymptomatique, mais quand le virus a quitté son corps il a pris son énergie. Je pensais qu’il ne serait pas capable de finir la course, mais au-lieu de cela, avec tout le pouvoir de sa volonté, il a pu le faire, finissant 8e. Nous sommes tous si heureux, même si je pense qu’un peu plus aurait pu être fait, au moins une ou deux positions, mais je suis content dans tous les cas. Peut-être a-t-il fait le bon choix en décidant de ne pas trop risquer. Dans tous les cas, voir Tatsuki qui se bat aussi durement est incroyable. Il n’aurait jamais pu le faire il y a quelques années, et cela signifie que nous faisons du bon travail avec lui. »

« Lorenzo Fellon, notre rookie de 16 ans, n’était pas aussi heureux de son résulta. Il arrive d’une année en ETC et une en CEV, et dans ce championnat du monde où le niveau est aussi élevé, simplement finir la course signifie qu’il a fait du bon travail pour sa première. Il a tous les voyants au vert, un grand potentiel sur lequel nous pouvons travailler, il a juste besoin d’écouter et ne pas être sous pression, nous pouvons voir qu’il est déterminé. »

« La course a été difficile avec un vent de folie, et nous avons été très chanceux qu’aucun de nos pilotes n’ait été impliqué dans les autres chutes, qui ont été nombreuses. C’est un classique pour le premier GP, avec les nouveaux, ils sont tellement absorbés par leur désir de tout avoir immédiatement, ils veulent contrôler le monde, ils ont besoin de temps pour comprendre qu’une course est longue et qu’une erreur au début peut être rattrapée avec calme quelques tours plus tard. »

« Je veux remercier Josito Garcia, notre pilote en CEV Moto3, et aussi notre pilote remplaçant officiel, qui est venu ici au Qatar pour remplacer Tatsuki mais qui, au final, n’a été que spectateur; l’an dernier il avait aussi débuté ici pour remplacer Antonelli. Merci aussi à Carmelo Ezpeleta qui a permis à tout cela d’arriver : il a offert à toute la famille MotoGP la possibilité de se faire vacciner. J’ai saisi l’opportunité et j’en suis heureux, même si cela signifie que nous devions rester ici un peu plus longtemps pour recevoir la deuxième dose. Ici, dans cette espèce de maison-prison avec du sable, la mer, des terrains de volley. Nous sommes dans un hôtel et nous sommes vaccinés, oui, mais nous n’avons accès qu’à certaines zones, ils veulent nous tenir éloignés de leur peuple pour éviter les infections. C’est pourquoi les hôpitaux ici ne sont pas en crise. Dans ce genre de vacances forcées, nous attendons vendredi pour revenir en piste pour le deuxième round de Doha. »

« C’était notre première course sans Fausto. Fausto avait toujours été là depuis la première année de championnat du monde avec Marco en 2002, d’abord en tant que pilote, puis comme entrepreneur. Premièrement en team-manager, ensuite en tant que partenaire puis ami. Ce furent des années pleines, intenses, belles, nous avons partagé quelques expériences terribles, et ne pas l’avoir ici à cause de ce satané virus, qui peut n’avoir aucun effet sur une personne mais en tuer une autre autre, ce n’est pas juste. Aurevoir Fausto, je n’oublierai jamais que nous avons commencé cette aventure ensemble. »

-PaoloSic58-