Jerez : Les étourdissements de Marquez interpellent



Marc Marquez s’est senti étourdi et a « un peu perdu la tête » samedi, après sa chute lors de la FP3 du Grand Prix d’Espagne. Son expérience fait réagir le paddock quant à l’aptitude à adopter pour la détection et approche des commotions cérébrales dans le sport moto.

La chute de Marc Marquez, lors de la troisième séance d’essais libres, restera comme l’un des événements marquants du Grand Prix d’Espagne. Le pilote Honda s’est sorti à haute vitesse dans le virage 7, allant violemment heurté les protections gonflables situées au bord du circuit. Un incident aux images impressionnantes, et qui a ravivé les inquiétudes quant à son état physique. C’était la première fois qu’il tombait depuis sa fracture de l’humérus, le 19 juillet 2020, déjà sur la piste de Jerez.

« Nous savions que tôt ou tard, la première chute arriverait, mais j’ai choisi l’un des pires endroits du circuit, expliquait-il samedi soir. Je ne m’y attendais pas, mais si tu pousses pour faire un chrono, tu ne penses pas aux risques. » Les temps de passage enregistrés montrent effectivement que Marc Marquez poussait, puisqu’il était en avance sur son meilleur tour personnel, à la lutte pour une place dans le top-10 de la séance.

Sonné, le pilote Honda a mis quelques secondes à se relever. La suite, il la raconte : « Je suis allé au centre médical où ils ont tout contrôlé, et à ce moment-là je me sentais ok. Puis je suis allé dans mon motorhome, mais quand je suis arrivé au camion, je me suis assis pendant dix minutes, j’ai commencé à ne pas vraiment savoir où j’étais, à perdre un peu la tête. » Les mêmes sensations que celles vécues juste après la chute.

Marc Marquez a alors appelé le Docteur Charte, qui l’a envoyé vers un hôpital à Jerez. « Quand je suis arrivé à l’hôpital je me sentais déjà à nouveau mieux, mais ils ont tout vérifié. » La tête, le cou et le dos ont été contrôlés, ainsi que le bras droit, blessé en 2020, par mesure de précaution. « Je ne ressentais aucune douleur, mais le Docteur Charte a toutes les informations concernant mon bras, et quand je suis allé à l’hôpital il a demandé une autre radio pour être sûr. ».

Les étourdissements expérimentés par l’octuple champion du monde ressemblent à ce que l’on appelle une commotion cérébrale, provoquée par une collision entre le cerveau et les parois de la boîte crânienne. Ce traumatisme est bien connu des pratiquants de sports comme le football américain, mais cela arrive aussi aux pilotes moto quand ils prennent un choc à la tête.

Ici, plus de peur que de mal pour Marc Marquez, car les maux et vertiges lui sont arrivés alors que sa séance était finie et qu’il était au calme. Mais la question, inévitable, émerge : que se serait-il passé si sa chute n’avait pas eu lieu en fin de FP3 mais au début, qu’il ait été autorisé à repartir en piste pour ensuite être pris d’étourdissements en pleine ligne droite ?

Au rugby existe un protocole de prise en charge de la commotion cérébrale, qui oblige un joueur à quitter le terrain. Une évaluation a aussi été introduite en MotoGP. Les procédés actuels sont-ils suffisants ? Le débat est lancé dans le paddock, et les avis sont partagés.

Beaucoup de monde coïncide avec le fait qu’il faut maximiser la sécurité des pilotes. Mais d’un autre côté, d’autres voix interrogent : un pilote moto est rarement à 100 % de ses moyens physiques, en raison des multiples blessures – petites ou plus lourdes – subies chaque année, et la prise des risques est dans la nature du sport moto. Or, arguent-ils, imposer des règles trop « strictes » pourraient priver les Grands Prix de plusieurs pilotes chaque week-end. À voir, donc, quelles conséquences aura cette chute, et comment les choses évolueront du point de vue du règlement médical.

Modifications à venir à Jerez

Le sujet des commotions cérébrales n’est pas le seul à avoir été soulevé par l’accident de Marc Marquez. La vitesse et le peu de temps mis par le pilote Honda pour atteindre les protections gonflables (airfence) interpellent. Il apparaît que la taille de la voie d’échappement – le bac à graviers – permettant de freiner les pilotes n’est pas suffisante, ou pas assez efficace. La faute à trois éléments.

Le premier, notamment cité par Jack Miller, concerne la texture des graviers. L’Australien a comparé les bacs du circuit de Jerez-Angel Nieto à des « rivières » sur lesquelles on glisse sans être freiné. Marc Marquez n’est d’ailleurs pas le seul à avoir pu y goûter pendant le week-end. À l’imverse, les bacs du Motorland Aragon, piste citée comme exemple, ralentissent assez les pilotes.

Le deuxième est relatif à la distance entre protections gonflables et le virage, trop courte. Plusieurs pilotes ont déjà subi le même sort que Marc Marquez, à commencer par son successeur au palmarès du MotoGP, Joan Mir. « En 2020 j’ai chuté, je suis passé sous l’airfence et j’ai heurté le mur. Je pense que la même chose est arrivée à Marc. Il faut améliorer la sécurité sur ce circuit. »

Le troisième, lié au second, tient en l’adaptation des conditions de sécurité au niveau du championnat, qui ne cesse d’augmenter. « Nous allons de plus en plus vite, donc les murs sont de plus en plus proches », a résumé Franco Morbidelli. « Nous devons améliorer la sécurité parce que les performances des motos, des pneus et des freins sont chaque fois meilleures, donc il faut plus de voies d’échappement », explique son coéquipier Valentino Rossi.

Le sujet a été abordé en commission de sécurité en début de week-end, et plusieurs changements étaient déjà prévus. Les événements survenus pendant le Grand Prix ne peuvent que faire accélérer les choses.

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