Sacré champion de France Superbike 2022 à l’issue d’une dernière manche pleine de suspense au Castellet, Kenny Foray ajoute une ligne prestigieuse à son palmarès déjà bien garni. L’histoire d’une passion pour la moto chevillée depuis son plus jeune âge, partagée avec son frère jumeau Freddy et transmise par leur père, Jean Foray, pilote de GP 500 dans les années 90. La moto en guise de religion.
GP Inside : Kenny, raconte-nous cette dernière épreuve sur le circuit Paul Ricard.
Kenny Foray : « Avant la course, la situation était assez simple puisqu’on avait 19 points de retard sur Valentin Debise donc la stratégie était évidente, il fallait gagner les deux manches et espérer un faux pas de Valentin, ce qui restait aléatoire puisqu’il avait tout gagné depuis le début du championnat ! Mais, par nature, je me bats toujours jusqu’au dernier moment car, en sports mécaniques, on sait que tout peut arriver et en fait, je préfère être chasseur que chassé ! »
« Il fallait donc mettre la pression en montrant notre détermination, c’est pour cette raison que j’ai attaqué dès les essais en signant le meilleur temps à chaque séance, on n’avait rien à perdre. On a fait aussi des choix techniques audacieux au niveau des réglages et du choix des pneus, et j’ai fait la pôle aux essais qualificatifs. J’ai pris un très bon départ en première manche qui m’a permis de rester devant jusqu’à l’arrivée alors que Valentin s’accroche dans la cohue des premiers virages, tombe, repart et finalement abandonne. »
« Me voilà donc en tête du championnat avec 5 petits points d’avance avant la dernière manche de la saison et là, les rôles s’inversent, je deviens le chassé ! On était tous très tendus dans l’équipe car on avait la balle de match dans les mains, c’était hyper stressant mais d’un autre côté, on vivait ce dont on avait rêvé toute l’année. Mon frère, Freddy, m’a beaucoup aidé sur la grille de départ en me rappelant tout ce que j’avais fait pour en arriver là, ses propos ont été précieux pour me détendre et je savais alors ce que j’avais à faire. Et puis, en course, je me suis retrouvé en bagarre pour la victoire avec Valentin, on s’est doublés plusieurs fois et il est tombé dans le virage du Beausset à trois tours de la fin. C’était presque plus un duel psychologique que de pilotage parce-que, objectivement, Valentin est un excellent pilote qui a souvent été plus rapide que moi cette année, mais finalement, c’est moi le champion de France ! »
« C’était une émotion incroyable à l’arrivée mais c’est aussi pour ces moments qu’on se donne tant de mal pendant toute la saison. Comme tu le sais, j’ai déjà été champion du monde d’endurance et c’est une grande fierté mais là, la joie était encore plus intense parce-que les circonstances ont ajouté de l’ampleur à l’émotion. Et ce titre a d’autant plus de valeur que Valentin est un pilote exceptionnel qui a montré qu’il avait sa place en mondial. »
Peux-tu nous parler de l’académie que tu as lancée cette année avec Freddy ?
K.F : « On a créé l’académie KF78 pour transmettre notre expérience aux enfants qui sont attirés par la compétition mais qui ne connaissent pas ce milieu. Freddy et moi avons eu la chance, grâce à notre père, de baigner dans la moto dès notre plus jeune âge, d’en connaître les modes de fonctionnement, les valeurs, les usages, les façons d’aborder les courses et les entraînements, d’éviter les pièges et de prendre les bonnes directions. Les enfants de notre académie et aussi leurs parents ne connaissent pas ce monde et notre objectif est donc de les accompagner pour gagner du temps et les mettre dans les meilleures conditions possibles pour progresser et surtout, s’amuser ! Pour aimer ce sport, un enfant doit d’abord y trouver du plaisir, passer de bons moments, c’est le meilleur moyen d’être performant. »
« Notre objectif est aussi de trouver de solutions pour minimiser le coût de cet apprentissage en s’appuyant sur notre investissement personnel et sur des partenaires qui soutiennent notre démarche. C’est presque un devoir pour nous de rendre à la moto tout ce qu’elle nous a apporté et si, en plus, on peut aider des jeunes à être performants et à gravir les échelons, on aura atteint notre objectif. En France, on bénéficie actuellement d’un bel engouement pour la moto grâce notamment aux bons résultats de nos français en MotoGP et il faut profiter de cette conjoncture favorable pour démocratiser notre sport. On va faire des sélections pour accompagner une dizaine d’enfants en championnat qui intégreront ainsi une structure avec des mécaniciens et des encadrants dans une ambiance la plus décontractée possible et où le plus important n’est pas forcément de gagner mais simplement de donner son maximum. »
Que penses-tu de la saison de MotoGP ?
K.F : « J’avoue que j’ai parfois du mal à regarder les courses tellement ça me fait stresser ! Bien sûr, il faut parler de la polémique autour de Johann Zarco qui est resté derrière Bagnaia en Thaïlande mais les gens oublient que, sur une piste séchante, c’est plus facile d’aller vite quand tu es seul et l’explication de Johann est alors parfaitement crédible. Il dit qu’il perdait l’avant plusieurs fois par tour en arrivant sur Bagnaia et qu’il était évidemment impensable de prendre le risque de le faire tomber, c’est donc juste une décision intelligente qu’il a prise ! Imagine qu’il tombe et qu’il emporte Bagnaia, tout le monde dirait que c’est un abruti et qu’il a pris des risques inconsidérés ! »
« Quant à Fabio Quartararo, c’était pénible de le voir à cette position mais je sais ce que c’est de ne pas avoir de feeling sur le mouillé et crois-moi, si tu forces trop, tu peux vite te retrouver par terre avec le risque de se blesser et là, le championnat est fini. Donc sincèrement, même s’il ne marque pas de points, il reste encore largement en bagarre pour le titre, ce qui, compte tenu des lacunes de sa moto, relève de l’exploit. Il reste encore trois courses et tout est encore possible. Si je dois donner mon pronostic du cœur, je dirais que Bagnaia va craquer et que Fabio va conserver son titre mais en étant lucide, ça va quand même être compliqué ! »
Crédit photos : William Joly
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