Christophe Guyot (GMT94) : « Cluzel a tous les atouts pour être champion, mais… »



La Fédération internationale de motocyclisme (FIM) a édicté un nouveau règlement pour ouvrir la porte du championnat du monde Supersport à d’autres constructeurs, mais en prenant le risque de dénaturer l’équité de la compétition. Nous avons souhaité savoir ce qu’en pense Christophe Guyot, team-manager du GMT94, pilier de la catégorie qui alignera les Français Jules Cluzel et Andy Verdoïa en 2022.

GP-Inside : Quel est ton avis sur le nouveau règlement du championnat du monde Supersport ?

Christophe Guyot : « Ce nouveau règlement présente plusieurs sujets, certains sont positifs, d’autres nettement moins. Le premier point bien sûr, c’est l’ouverture à de nouvelles cylindrées et architectures moteur, ce qui permet par exemple à Triumph ou Ducati de s’engager dans ce championnat. On ne peut que se réjouir de voir arriver de nouveaux constructeurs, mais je crains que ces différences de cylindrées et d’architectures créent une confusion préjudiciable à la compréhension et à l’analyse des résultats. Sur la piste, on aura désormais des 600, des 800 et des 950 cm3, comment s’y retrouver ? Le champion du monde doit être le meilleur pilote, pas celui qui a la meilleure moto. Et même si les puissances vont être homogénéisées, il y aura des écarts de couple moteur qui risquent de fausser les débats. En boxe, on ne fait pas combattre un poids coq contre un poids lourd ! »

« Le deuxième sujet concerne le poids, qui sera désormais calculé en additionnant celui de la moto et du pilote habillé en tenue de course. Là encore, il va falloir faire de savants calculs, et parfois – c’est notre cas – devoir lester la moto car nos pilotes sont légers. Pour Jules Cluzel, par exemple, nous allons devoir lester sa moto de 9 kilos supplémentaires car il ne pèse que 69 kilos habillé. Il y aura donc des différences de poids des motos à cylindrées égales en fonction du poids des pilotes, et sincèrement, 9 kilos d’écart sur une 600, ce n’est pas rien ! »

« Le troisième point, c’est l’obligation d’utiliser un maître cylindre de frein Brembo. C’est une très bonne idée car la disparité des freinages a engendré des situations dangereuses, et nous sommes malheureusement bien placés pour le savoir puisque Jules s’est fait percuter à deux reprises par des pilotes qui n’utilisaient pas les mêmes freins. Tu ne freines évidemment pas de la même manière quand tu utilises des freins d’origine ou des freins adaptés à la compétition. Maintenant, on disposera tous du même système de freinage. C’est une excellente décision qui va dans le sens de la sécurité des pilotes et je me battais depuis longtemps pour qu’on le fasse. En plus on pourra garder les plaquettes plus longtemps alors qu’on devait les changer après chaque séance avec le freinage d’origine, donc on va dans le sens de la réduction des coûts. »

« Le quatrième sujet concerne l’essence unique pour tous les teams. Là encore, c’est une bonne nouvelle puisqu’elle sera moins chère que celle qu’on utilisait jusqu’à présent. Mais on l’a appris trop tard donc on doit refaire en urgence toutes nos culasses pour modifier le taux de compression, et cette dépense conséquente n’était pas prévue.
Le dernier point, c’est de réduire le nombre de pneus disponibles par course. C’est très positif puisqu’on va dans le sens de la réduction des coûts, ce qui est indispensable pour la pérennité du championnat. »

Pour résumer, es-tu content de ces changements ?

C.G : « Je reste mitigé pour l’instant et j’attends de voir ce que ça donnera en piste. Dans un objectif louable d’attractivité du championnat, la FIM a adapté son règlement aux modèles dont disposent les constructeurs, alors que j’aurais préféré que les constructeurs adaptent leurs motos aux contraintes du règlement. On peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi Honda ou Suzuki, qui disposent de 600cm3 performantes ne participent pas. Il ne faut pas oublier que ce championnat a vocation à former les jeunes pour accéder au Superbike ou au MotoGP. S’il y a autant de Yamaha sur la grille de départ, c’est bien sûr parce que c’est la meilleure moto, mais c’est aussi parce que Yamaha s’est beaucoup investi dans la formation des jeunes pilotes. C’est donc le résultat d’une politique de long terme qui porte ses fruits mais que les autres constructeurs ne font pas. »

« On se réjouit tous de voir arriver de nouveaux constructeurs, il va forcément y avoir un regain d’intérêt pour la catégorie mais sur un plan strictement sportif, j’ai encore des doutes. Regarde en Moto2, tout le monde a la même moto et en 2021, Gardner a été le meilleur pilote, c’est incontestable. Mais pour nous, en 2022, le champion du monde sera le meilleur pilote ou celui qui a la meilleure moto ? En ce qui nous concerne, nous nous comparerons aux autres 600 et on verra bien si on pourra être les meilleurs. »

Ce nouveau règlement peut-il remettre en question la participation du GMT94 à ce championnat en 2023 ?

C.G : « Quand nous avons quitté l’endurance, notre objectif a toujours été d’aller en Superbike en passant par le Supersport. Mais avec ce nouveau règlement, si on part du Supersport, qui va aider les jeunes demain ? L’ADN du GMT, c’est de former les jeunes et de les amener au plus haut niveau possible, donc le projet de 2023 est de rester également en Supersport. Il faut les aider à rouler avec des 600 financièrement accessibles, donc il faut qu’on soit là. Il reste encore pas mal de paramètres à valider mais mon souhait pour l’an prochain est d’avoir une moto en Supersport et une moto en Superbike. »

Quels objectifs as-tu fixé à tes deux pilotes, Jules Cluzel et Andy Verdoïa, pour cette année ?

C.G : « L’objectif est clair, on veut être premier 600. L’histoire nous dira ensuite si le premier 600 est champion du monde ou pas ! Jules Cluzel dispose de tous les atouts pour être champion du monde, il a la vitesse et l’expérience, et même si la concurrence sera rude avec Aegerter, Öncü, Baldassari et quelques autres, et qu’il aura un ‘handicap lourd’, sans mauvais jeu de mots. Je reste confiant. Et je dis aussi à Andy Verdoïa que pour sa première saison complète chez nous, il a une occasion magnifique de se mesurer aux meilleurs. J’ai vraiment hâte d’être à la première course, même si on a encore mille choses à faire d’ici là ! »

Crédit photos : Lucas Swiderek-Vaclav Duska

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